L'air de rien... Cela fait bientôt 50 années qu'au centre aéré de Longuyon, je faisais connaissance avec tes premières pitreries, sur un air de blague carambar... C'est la première trace ancrée dans mes souvenirs avec toi. Je n'imaginais pas, à ce moment là, l'air de rien, qu'il y en aurait autant par la suite. 
 
De nos jeux de rue aux fêtes du 14 juillet puis au moto-club, le temps a passé, l'air de rien... 
Chacun nos études, chacun nos familles, nous n'avons jamais été très loin l'un de l'autre, l'air de rien. 
 
Les vacances, les randonnées du mois de mai où tu t’obstinais, face à nos équipements Quechua, à aligner 4 jours de marche en claquettes plastique. Entêté, l'air de rien... 
 
Les Nouvel-An aux Buissonnets. Des années, des décennies... l'air de rien. 
Les joies des familles, des enfants, les épreuves partagées, les bonheurs et les peines, les drames et les fou-rires... Lorsqu'on s'effondre, qu'on est au fond du trou, s'il n'en reste qu'un, c’est bien toi, l'air de rien... 
 
Oui, l'air de rien, tu n'as jamais lâché ma main. Ami indéfectible, infatigable, inaltérable, irremplaçable... l'air de rien. 
 
Et puis 3 mai, c'est toi qui as craqué, sans te plaindre jamais... l'air de rien. 
 
Et que l'on croit ou pas. A quoi, peu importe ! Au « grand barbu auréolé de lumière »... Il y a l'esprit divin que je préfère, celui qui nous inonde, celui qui est en tout, celui qui est en nous...Que l'on partage comme le bon pain, ou mieux, comme le bon vin... l'air de rien. 
 
Et malgré tout. Malgré cela. Malgré toi. Malgré nous. Il reste cet endroit secret où tu gardes ta place, où tu demeures intact... l'air de rien. 
Cet endroit de mon cœur juste pour toi, immortel musicien. Où tu joues cette fois, juste pour moi... Ce petit air de rien. 
 
Mais mieux que tous les mots inutiles, maladroits ou insuffisants, je fais miens ceux de Michel de Montaigne à propos de son plus cher ami Étienne de la Boétie : « Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant : parce que c'était lui et parce que c'était moi."
© Eric Benoit