Quand le temps se dilate 
Et qu'il n'a rien à dire, 
Je lui vole la parole 
Et m'enfouis sous mes draps. 
Je suis comme un fer chaud 
En plein été brûlant, 
Rien n’esquisse les mots 
A l'instant dérobés.
Chaque son est un don, 
Pas une parole volée. 
 
Je glisse sur le chemin 
Boueux et entrainant, 
La glaise ne retient 
Que l'absolu en moi. 
Les sapins ont verdi 
Ce jour d’Épiphanie, 
Les rois se rient de moi, 
Frêles figurines inertes 
De la crèche où je meurs, 
De celle où je renais, 
Dans le foin odorant 
De Marie embaumée. 
 
Les crêtes se découpent 
Sans jamais se fermer. 
Je distingue dans l'ombre 
Celle de tes bras ouverts, 
Le souffle de ta bouche 
Et l'odeur de tes seins. 
Agrippe ce que tu peux, 
Enfantin est mon corps, 
Ne lâche pas ma main, 
Moi qui ne suis enclin 
Ni de vie ni de mort. 
 
Je disperse les cendres 
D'un passé révolu, 
Je souffle sur les braises 
D'un présent qui crépite. 
J'entrevois dans tes lèvres 
Le futur qui frémit. 
 
Prisonnier de ma cage, 
Les arbres lèvent ma peine, 
Accablé par les peurs, 
Les fleurs se font légères. 
D'un coup de poing furtif 
Je déchire les fils 
Barbelés des angoisses. 
 
Je souris.
© Eric Benoit