Le Feu

Souvenirs d'acier
Et ruines enfumées 
Traversent mon esprit 
Comme un glaive aiguisé. 
 
L'acier froid de l'oubli, 
Lumière bleue de douleur 
Réveillent dans ma pâleur 
Les minutes alanguies. 
 
Deux mille révolutions plus loin, 
Tu me reviens si proche 
Pour visiter curieux 
Les minutes endormies. 
 
Allongée sur ton lit, 
Tu attends patiemment, 
Tes yeux bleus adoucis, 
Le teint frais de l'instant. 
Tu attends le baiser 
Qu'alors tu n'as pas eu, 
Celui de l'imbécile, 
Heureux, qui se voulait un prince. 
 
Mes songes se mélangent 
Vapeurs âcres, douce-amères, 
Lumière rouge-orangée et bleu-froid de la nuit. 
 
La douceur de ta peau, 
Le bruit sourd des métaux, 
La courbe de tes seins 
Et la rigueur des trains. 
Train à fil, à billettes ou train universel, 
Tous m'emmènent aux confins 
D'une douceur oubliée 
Dans les chemins tordus d'une vie torturée. 
 
De la Chiers à Senelle, enfin la Providence, 
Celle du retour prodigue de l'âme qui s'enfuit. 
Des cités qui se meurent, 
Des cités ouvrières, des cités impériales, 
Non celles des Incas mais des ouvriers durs, 
Sanglés au pilori, prêts pour le sacrifice, 
Laborieux au matin dans le gel. Silencieux. 
Résignés au retour, trop fatigués pour vivre. 
 
Princesse de mes cieux, princesse dans mes yeux, 
Tu es tout à la fois 
La force et la faiblesse, la paix et la révolte, 
La colère assoupie, la fibre viscérale, 
Celle qui au jour anime, celle qui toujours avive 
Le feu de mes entrailles.

© Eric Benoit